Chandigarh 50 ans après Le Corbusier
Le devenir indien d’une ville moderne.
Du 11 novembre 2015 au 29 février 2016
Palais de Chaillot, 45 Avenue du Président Wilson
Exposition créee par la cité de l’Architecture & du Patrimoine
Commissariat / Scénographie: Enrico Chapel, Thierry Mandoul et Rémi Papillault
Artistes: Christian Barani, Bertrand Gauguet
Le montage comme fondement formel et esthétique de l’installation – Chandigarh
Comment présenter Chandigarh (1951), une ville nouvelle et indienne qui plus est, à un public européen ? Comment restituer dans l’espace clos d’une galerie d’exposition à la Cité de l’architecture & du patrimoine la nature multi-sensorielle, spatiale, sociale et politique d’une ville contemporaine ? Comment documenter le développement de cette ville et retranscrire son appropriation par ses habitants, tout en retraçant son histoire ?
L’exposition présente Chandigarh, la ville indienne de Le Corbusier, telle qu’elle est aujourd’hui en rendant compte de la façon dont les Indiens vivent la modernité architecturale et urbaine commanditée par Nehru et mise en œuvre par Le Corbusier et ses associés : Pierre Jeanneret, Jane B. Drew et Maxwell Fry avec de jeunes architectes indiens comme Doshi, Malhotra, Prakash.
Il s’agit de décrire et de faire observer soixante ans après la création de Chandigarh, la fortune d’une planification dont la qualité aura été de contribuer à la modernisation d’un nouvel État et d’une nation naissante tout en captant, assimilant et développant une singularité indienne. Ainsi, l’exposition invite à un questionnement critique sur l’état actuel de la ville après un demi-siècle d’existence : Chandigarh a-t-il su s’accommoder de la particularité du contexte culturel indien tout en incarnant une version spécifique de la modernité sociale et politique ?
Parce que nous souhaitions montrer à un grand public ce qu’est devenue la ville de Chandigarh depuis sa création en 1951, l’image en mouvement s’est imposée comme le média prépondérant pour retracer les processus d’appropriation. Parce que le film est, pour reprendre la célèbre phrase de Jean Louis Schefer, « la seule expérience dans laquelle le temps […] est donné comme une perception »[1]. Le film, plus exactement la vidéo est la forme sensible par excellence qui a le pouvoir de monter le temps et la façon dont les hommes habitent l’espace d’une cité.
Pour cette raison nous avons travaillé avec l’artiste vidéaste Christian Barani afin de documenter cette ville. Notre objectif était de donner à voir les usages quotidiens de l’espace public et privé de cette ville. La construction du dispositif d’exposition a été guidée par le désir de faire ressentir une temporalité indienne singulière ; un caractère temporel qui s’étire et donne à voir ce qui s’accomplit à Chandigarh en une journée tout autant que la naissance de la ville et son développement. Il s’agit de lire le temps dans des configurations visuelles et spatiales de l’installation, d’imaginer une durée de visite variable qui peut conduire le visiteur à rester la journée entière s’il souhaite voir les 14 heures de films qui ont été tournés et montés par Christian Barani. Il y a donc une déraison inhérente dans ce projet d’exposition mais qui constitue la fécondité heuristique de cette installation.
Le dispositif est d’une grande clarté et simplicité. L’ensemble est perçu d’un seul coup d’œil depuis l’entrée. Des socles de briques et des plateformes en bois sur lesquels sont disposés des reproductions du mobilier conçu par Jeanneret constituent les éléments minimaux de cette installation.
Il en résulte un plan en forme de grille au caractère immersif, invitant à marcher dans tous les sens pour effectuer des mises en relation. Ce plan d’exposition ressemble autant à l’outil de réflexion et de communication majeur que fut la grille CIAM publiée en 1948, fondée sur les principes de la célèbre charte d’Athènes, entamée en 1933, qui fixe la conception de la planification fonctionnelle imaginée par Le Corbusier et ses proches, qu’à ceux, critiques de cette démarche, qui ont été élaborés par la suite – sur papier – par de jeunes architectes réunis sous le nom collectif de « Team Ten ». Mélangeant textes, dessins et photographies, leurs nombreux usages du principe de la grille s’opposent aux simplifications du phénomène urbain opérées par la planification fonctionnelle. Les membres de Team Ten proposent une approche plus attentive aux entrelacements des facteurs constitutifs des singularités urbaines et des identités habitantes.
L’installation repose sur une utilisation de l’espace d’une nef courbe en sous-sol de la Cité de l’architecture & du patrimoine, dite la « cathédrale », divisée par des arches massives formant une succession de 8 travées à plan légèrement trapézoïdal. Chacune d’elles s’est vu attribuer un thème permettant de comprendre la fabrication de la ville, et, en rapport avec celle-ci, sa réception par ses habitants. Sur le mur de l’intrados de salle courbe, croisant donc ces thèmes, sont accrochés des documents originaux provenant principalement de la fondation Le Corbusier (dessins, courts écrits et photographies) évoquant la conception de la ville ; en face sur l’extrados de la salle sont projetées des images en mouvement, réalisées in situ par l’artiste Christian Barani pour l’exposition et en rapport avec ces thèmes, selon son principe de dérives in situ, d’errances libres et patientes. Ces images sont puissantes dans la mesure où elles sont projetées à échelle une, à hauteur d’œil ou à portée de main. Entre ces deux espaces, une rangée de maquettes en carton présente des morceaux choisis d’architectures et de secteurs urbains de Chandigarh, auxquels sont associés des écrans tactiles délivrant des éléments historiques de connaissance scientifique.
Dès son entrée dans la salle, le visiteur se trouve face à ce dispositif d’écrans, de maquettes, d’éléments d’archives, qui va l’amener à prendre des décisions quant à la manière d’aborder l’exposition et par là de découvrir la ville de Chandigarh. Il comprend très vite qu’il ne pourra pas tout voir parce que la ville est bien plus grande que lui. Le visiteur est confronté à une grande diversité de systèmes de relation. Il va devoir choisir la manière dont il va regarder les images qui lui sont proposées.
Soit il s’assoit sur la copie d’un siège ou d’une chaise longue de Jeanneret posée sur une plateforme devant un écran dans une configuration frontale, cinématographique. Soit il prend de la distance afin de regarder plusieurs écrans en même temps. Ce dispositif entraîne qu’aucun visiteur ne voit la même représentation de la ville, le visiteur garde sa liberté de regarder et décide de la manière dont il regarde la ville. Face à cette masse d’images, soit il décide de se laisser aller au hasard de sa déambulation et découvre ce qui lui apparaît. Soit il peut s’organiser et prendre à l’entrée de l’exposition un plan qui lui permettra de se repérer dans la durée des films. (Une timeline est affichée au bas des écrans permettant de savoir à quel moment tel ou tel bâtiment est projeté.)
Sur chaque écran, le montage est composé de séquences qui durent entre 2 et 10 minutes, séparées par quelques secondes de noir permettant au visiteur de quitter l’écran. Entre les sept films, les montages à l’intérieur de ces films, les plans, les maquettes d’édifices remarquables… le dispositif d’exposition présente une configuration de mise en relation de documents filmiques, archivistiques et de modélisation, au caractère continuellement permutable.
Le pari de ce dispositif est qu’il constitue une ressource quasi inépuisable de relecture d’un monde, d’une ville nouvelle, celle de Chandigarh. Le visiteur devient lui-même un flâneur de ce Chandigarh exposé. Il dérive dans cette grande salle en reliant divers éléments disparates, en cherchant à remonter cette ville sans croire pourvoir l’accomplir ni épuiser cette quête, en laissant place à la force des images, à la construction imaginative des correspondances et des analogies.
C’est un travail sisyphéen qui a pu décourager plus d’un visiteur, mais en a satisfait d’autres, curieux de réassembler cette ville tout en acceptant l’impossibilité de la résumer ou de l’épuiser. L’installation, son dispositif visuel, crée des liens entre la pensée et le corps. S’il veut comprendre une relation de sens entre deux images, mobiles ou fixes, entre des éléments d’archives, le spectateur doit y ajouter du sien. Le visiteur se doit d’avoir une connaissance nomade ( ??) pour lire les rapports entre les choses ou entre les images, lire ce qui n’a jamais été écrit. Par l’imagination, le visiteur peut être capable de jeter des ponts entre les ordres de réalité éloignés, de mettre au jour des raisons que la raison ignore.
Dans ce lieu déterminé, préalablement inscrit (en/dans quoi ?), avec ses surfaces régulières, son plan quadrillé géométriquement réglé, devient/constitue un champ opératoire extrêmement efficace. Il exprime sa vocation à être associé puis dissocié, redistribué. On accepte le renoncement à toute immobilisation temporelle des espaces et des temps hétérogènes, afin que ceux-ci ne cessent de s’y rencontrer, de s’y confronter, de s’y amalgamer, de s’y recroiser. Paradoxalement, rien n’est fixé définitivement, tout y est à refaire. Il s’agit de faire surgir à travers l’installation film+archives+maquettes « certaines correspondances capables d’offrir une connaissance transversale de cette inépuisable complexité historique[2] ».
C’est un dispositif de table de montage finalement qui a été mis en place, indéfiniment modifiable qui permet de remettre en jeu, une pensée de la ville qui n’est jamais fixe. Tout en constituant un dispositif raisonné résultant d’un travail précis d’installation visuelle, il permet de déployer des intuitions relatives. Il offre la capacité de relire les temps et l’espace par la disparité des images, dans le morcellement toujours reconduit d’un monde urbain. Le visiteur comme l’artiste-vidéaste et les commissaires peuventt démonter et remonter des images pour créer des configurations heuristiques.
Il s’agissait là de mettre en œuvre une exploration tâtonnante[3] pour reprendre l’expression de Warburg cité par Georges Didi-Huberman, orienté et désorienté afin de produire une forme ouverte.
[1] Jean Louis Schefer, L’Homme ordinaire du cinema, Paris, Cahiers du cinéma-Gallimard, 1980 (4e de couverture)
[2] Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, p.20
[3] Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, p.278
Cité de l’Architecture & du Patrimoine
Chandigarh 50 ans après Le Corbusier
Le devenir indien d’une ville moderne.
Du 11 novembre 2015 au 29 février 2016
Palais de Chaillot, 45 Avenue du Président Wilson
Exposition créee par la cité de l’Architecture & du Patrimoine
Commissariat / Scénographie: Enrico Chapel, Thierry Mandoul et Rémi Papillault
Artistes: Christian Barani, Bertrand Gauguet
Le montage comme fondement formel et esthétique de l’installation – Chandigarh
Comment présenter Chandigarh (1951), une ville nouvelle et indienne qui plus est, à un public européen ? Comment restituer dans l’espace clos d’une galerie d’exposition à la Cité de l’architecture & du patrimoine la nature multi-sensorielle, spatiale, sociale et politique d’une ville contemporaine ? Comment documenter le développement de cette ville et retranscrire son appropriation par ses habitants, tout en retraçant son histoire ?
L’exposition présente Chandigarh, la ville indienne de Le Corbusier, telle qu’elle est aujourd’hui en rendant compte de la façon dont les Indiens vivent la modernité architecturale et urbaine commanditée par Nehru et mise en œuvre par Le Corbusier et ses associés : Pierre Jeanneret, Jane B. Drew et Maxwell Fry avec de jeunes architectes indiens comme Doshi, Malhotra, Prakash.
Il s’agit de décrire et de faire observer soixante ans après la création de Chandigarh, la fortune d’une planification dont la qualité aura été de contribuer à la modernisation d’un nouvel État et d’une nation naissante tout en captant, assimilant et développant une singularité indienne. Ainsi, l’exposition invite à un questionnement critique sur l’état actuel de la ville après un demi-siècle d’existence : Chandigarh a-t-il su s’accommoder de la particularité du contexte culturel indien tout en incarnant une version spécifique de la modernité sociale et politique ?
Parce que nous souhaitions montrer à un grand public ce qu’est devenue la ville de Chandigarh depuis sa création en 1951, l’image en mouvement s’est imposée comme le média prépondérant pour retracer les processus d’appropriation. Parce que le film est, pour reprendre la célèbre phrase de Jean Louis Schefer, « la seule expérience dans laquelle le temps […] est donné comme une perception »[1]. Le film, plus exactement la vidéo est la forme sensible par excellence qui a le pouvoir de monter le temps et la façon dont les hommes habitent l’espace d’une cité.
Pour cette raison nous avons travaillé avec l’artiste vidéaste Christian Barani afin de documenter cette ville. Notre objectif était de donner à voir les usages quotidiens de l’espace public et privé de cette ville. La construction du dispositif d’exposition a été guidée par le désir de faire ressentir une temporalité indienne singulière ; un caractère temporel qui s’étire et donne à voir ce qui s’accomplit à Chandigarh en une journée tout autant que la naissance de la ville et son développement. Il s’agit de lire le temps dans des configurations visuelles et spatiales de l’installation, d’imaginer une durée de visite variable qui peut conduire le visiteur à rester la journée entière s’il souhaite voir les 14 heures de films qui ont été tournés et montés par Christian Barani. Il y a donc une déraison inhérente dans ce projet d’exposition mais qui constitue la fécondité heuristique de cette installation.
Le dispositif est d’une grande clarté et simplicité. L’ensemble est perçu d’un seul coup d’œil depuis l’entrée. Des socles de briques et des plateformes en bois sur lesquels sont disposés des reproductions du mobilier conçu par Jeanneret constituent les éléments minimaux de cette installation.
Il en résulte un plan en forme de grille au caractère immersif, invitant à marcher dans tous les sens pour effectuer des mises en relation. Ce plan d’exposition ressemble autant à l’outil de réflexion et de communication majeur que fut la grille CIAM publiée en 1948, fondée sur les principes de la célèbre charte d’Athènes, entamée en 1933, qui fixe la conception de la planification fonctionnelle imaginée par Le Corbusier et ses proches, qu’à ceux, critiques de cette démarche, qui ont été élaborés par la suite – sur papier – par de jeunes architectes réunis sous le nom collectif de « Team Ten ». Mélangeant textes, dessins et photographies, leurs nombreux usages du principe de la grille s’opposent aux simplifications du phénomène urbain opérées par la planification fonctionnelle. Les membres de Team Ten proposent une approche plus attentive aux entrelacements des facteurs constitutifs des singularités urbaines et des identités habitantes.
L’installation repose sur une utilisation de l’espace d’une nef courbe en sous-sol de la Cité de l’architecture & du patrimoine, dite la « cathédrale », divisée par des arches massives formant une succession de 8 travées à plan légèrement trapézoïdal. Chacune d’elles s’est vu attribuer un thème permettant de comprendre la fabrication de la ville, et, en rapport avec celle-ci, sa réception par ses habitants. Sur le mur de l’intrados de salle courbe, croisant donc ces thèmes, sont accrochés des documents originaux provenant principalement de la fondation Le Corbusier (dessins, courts écrits et photographies) évoquant la conception de la ville ; en face sur l’extrados de la salle sont projetées des images en mouvement, réalisées in situ par l’artiste Christian Barani pour l’exposition et en rapport avec ces thèmes, selon son principe de dérives in situ, d’errances libres et patientes. Ces images sont puissantes dans la mesure où elles sont projetées à échelle une, à hauteur d’œil ou à portée de main. Entre ces deux espaces, une rangée de maquettes en carton présente des morceaux choisis d’architectures et de secteurs urbains de Chandigarh, auxquels sont associés des écrans tactiles délivrant des éléments historiques de connaissance scientifique.
Dès son entrée dans la salle, le visiteur se trouve face à ce dispositif d’écrans, de maquettes, d’éléments d’archives, qui va l’amener à prendre des décisions quant à la manière d’aborder l’exposition et par là de découvrir la ville de Chandigarh. Il comprend très vite qu’il ne pourra pas tout voir parce que la ville est bien plus grande que lui. Le visiteur est confronté à une grande diversité de systèmes de relation. Il va devoir choisir la manière dont il va regarder les images qui lui sont proposées.
Soit il s’assoit sur la copie d’un siège ou d’une chaise longue de Jeanneret posée sur une plateforme devant un écran dans une configuration frontale, cinématographique. Soit il prend de la distance afin de regarder plusieurs écrans en même temps. Ce dispositif entraîne qu’aucun visiteur ne voit la même représentation de la ville, le visiteur garde sa liberté de regarder et décide de la manière dont il regarde la ville. Face à cette masse d’images, soit il décide de se laisser aller au hasard de sa déambulation et découvre ce qui lui apparaît. Soit il peut s’organiser et prendre à l’entrée de l’exposition un plan qui lui permettra de se repérer dans la durée des films. (Une timeline est affichée au bas des écrans permettant de savoir à quel moment tel ou tel bâtiment est projeté.)
Sur chaque écran, le montage est composé de séquences qui durent entre 2 et 10 minutes, séparées par quelques secondes de noir permettant au visiteur de quitter l’écran. Entre les sept films, les montages à l’intérieur de ces films, les plans, les maquettes d’édifices remarquables… le dispositif d’exposition présente une configuration de mise en relation de documents filmiques, archivistiques et de modélisation, au caractère continuellement permutable.
Le pari de ce dispositif est qu’il constitue une ressource quasi inépuisable de relecture d’un monde, d’une ville nouvelle, celle de Chandigarh. Le visiteur devient lui-même un flâneur de ce Chandigarh exposé. Il dérive dans cette grande salle en reliant divers éléments disparates, en cherchant à remonter cette ville sans croire pourvoir l’accomplir ni épuiser cette quête, en laissant place à la force des images, à la construction imaginative des correspondances et des analogies.
C’est un travail sisyphéen qui a pu décourager plus d’un visiteur, mais en a satisfait d’autres, curieux de réassembler cette ville tout en acceptant l’impossibilité de la résumer ou de l’épuiser. L’installation, son dispositif visuel, crée des liens entre la pensée et le corps. S’il veut comprendre une relation de sens entre deux images, mobiles ou fixes, entre des éléments d’archives, le spectateur doit y ajouter du sien. Le visiteur se doit d’avoir une connaissance nomade ( ??) pour lire les rapports entre les choses ou entre les images, lire ce qui n’a jamais été écrit. Par l’imagination, le visiteur peut être capable de jeter des ponts entre les ordres de réalité éloignés, de mettre au jour des raisons que la raison ignore.
Dans ce lieu déterminé, préalablement inscrit (en/dans quoi ?), avec ses surfaces régulières, son plan quadrillé géométriquement réglé, devient/constitue un champ opératoire extrêmement efficace. Il exprime sa vocation à être associé puis dissocié, redistribué. On accepte le renoncement à toute immobilisation temporelle des espaces et des temps hétérogènes, afin que ceux-ci ne cessent de s’y rencontrer, de s’y confronter, de s’y amalgamer, de s’y recroiser. Paradoxalement, rien n’est fixé définitivement, tout y est à refaire. Il s’agit de faire surgir à travers l’installation film+archives+maquettes « certaines correspondances capables d’offrir une connaissance transversale de cette inépuisable complexité historique[2] ».
C’est un dispositif de table de montage finalement qui a été mis en place, indéfiniment modifiable qui permet de remettre en jeu, une pensée de la ville qui n’est jamais fixe. Tout en constituant un dispositif raisonné résultant d’un travail précis d’installation visuelle, il permet de déployer des intuitions relatives. Il offre la capacité de relire les temps et l’espace par la disparité des images, dans le morcellement toujours reconduit d’un monde urbain. Le visiteur comme l’artiste-vidéaste et les commissaires peuventt démonter et remonter des images pour créer des configurations heuristiques.
Il s’agissait là de mettre en œuvre une exploration tâtonnante[3] pour reprendre l’expression de Warburg cité par Georges Didi-Huberman, orienté et désorienté afin de produire une forme ouverte.
[1] Jean Louis Schefer, L’Homme ordinaire du cinema, Paris, Cahiers du cinéma-Gallimard, 1980 (4e de couverture)
[2] Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, p.20
[3] Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, p.278